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La « petite voie », condition de la vraie joieAbbé Baumann

La petite voie, condition de la vraie joie

Comment concilier ces différentes données du Nouveau Testament au sujet de l’enfance spirituelle ?

 « En vérité je vous le dis, si vous ne retournez à l’état des enfants, vous n’entrerez pas dans le Royaume des cieux. Qui donc se fera petit comme ce petit enfant-là, celui-là sera le plus grand dans le Royaume des cieux » (Mt 18,3-4).

« En vérité je vous le dis : quiconque n’accueille pas le Royaume de Dieu en petit enfant n’y entrera pas » (Mc 10,15).

« Je te bénis, Père, Seigneur du ciel et de la terre, de ce que tu as caché ces choses aux sages et aux intelligents et de l’avoir révélé aux tout-petits » (Mt 11,25-26).

« Comme des enfants nouveau-nés, désirez le lait non frelaté de la parole, afin que, par lui, vous croissiez pour le salut » (1 P 2,2).

« Pour moi, frères, je n’ai pu vous parler comme à des hommes spirituels, mais comme à des êtres de chair, comme à de petits enfants dans le Christ. C’est du lait que je vous ai donné à boire, non une nourriture solide ; vous ne pouviez encore la supporter. Mais vous ne le pouvez pas davantage maintenant, car vous êtes encore charnels » (1 Co 3,1-3).

« Alors qu’avec le temps, vous auriez dû devenir des maîtres, vous avez de nouveau besoin qu’on vous enseigne les premiers rudiments des oracles de Dieu, et vous en êtes venus à avoir besoin de lait, non de nourriture solide. Effectivement, quiconque en est encore au lait ne peut goûter la doctrine de justice, car c’est un tout petit enfant ; les parfaits, eux, ont la nourriture solide, ceux qui, par l’habitude, ont le sens moral exercé au discernement du bien et du mal » (He 5,12-14).

« Ainsi, nous en serons plus des enfants, nous ne nous laisserons plus balloter et emporter à tout vent de la doctrine, au gré de l’imposture des hommes et de leur astuce à fourvoyer dans l’erreur » (Ep 4,14). 

Pour aider votre réflexion, voici ce que dit Ste Thérèse de l’Enfant-Jésus à propos de la « petite voie » :

« Je pensais que j’étais née pour la gloire, et cherchant le moyen d’y parvenir, le Bon Dieu m’inspira les sentiments que je viens d’écrire. Il me fit comprendre que ma gloire à moi ne paraîtrait pas aux yeux des mortels, qu’elle consisterait à devenir une grande sainte !!! » (Manuscrits autobiographiques, Manuscrit A, 32 r°).

Nous sommes dans un siècle d’inventions, maintenant ce n’est plus la peine de gravir les marches d’un escalier, chez les riches un ascenseur le remplace avantageusement. Moi je voudrais aussi trouver un ascenseur pour m’élever jusqu’à Jésus, car je suis trop petite pour monter le rude escalier de la perfection. Alors j’ai recherché dans les livres saints l’indication de l’ascenseur, objet de mon désir, et j’ai lu ces mots sortis de la bouche de la Sagesse éternelle : Si quelqu’un est tout petit, qu’il vienne à moi (Pv.9,4).

Alors je suis venue, devinant que j’avais trouvé ce que je cherchais et voulant savoir, ô mon Dieu ! ce que vous feriez au tout petit qui répondrait à votre appel, j’ai continué mes recherches et voici ce que j’ai trouvé : « Comme une mère caresse son enfant, ainsi je vous consolerai, je vous porterai sur mon sein et je vous balancerai sur mes genoux ! » (Is.66,13.12)

Ah ! jamais paroles plus tendres, plus mélodieuses, ne sont venues réjouir mon âme, l’ascenseur qui doit m’élever jusqu’au Ciel, ce sont vos bras, ô Jésus ! Pour cela je n’ai pas besoin de grandir, au contraire il faut que je reste petite, que je le devienne de plus en plus.

O mon Dieu, vous avez dépassé mon attente et moi je veux chanter vos miséricordes. « Vous m’avez instruite dès ma jeunesse et jusqu’à présent j’ai annoncé vos merveilles, je continuerai de les publier dans l’âge le plus avancé. » (Ps.70,17s).

Quel sera-t-il pour moi cet âge avancé ? Il me semble que ce pourrait être maintenant, car 2.000 ans ne sont pas plus aux yeux du Seigneur que 20 ans… qu’un seul jour…(cf. Ps.89,4). 

Ah ! ne croyez pas, Mère bien-aimée, que votre enfant désire vous quitter… ne croyez pas qu’elle estime comme une plus grande grâce de mourir à l’aurore plutôt qu’au déclin du jour. Ce qu’elle estime, ce qu’elle désire uniquement, c’est de faire plaisir à Jésus… Maintenant qu’Il semble s’approcher d’elle pour l’attirer au séjour de sa gloire, votre enfant se réjouit. Depuis longtemps elle a compris que le Bon Dieu n’a besoin de personne (encore moins d’elle que des autres) pour faire du bien sur la terre.

(…) Peut-être vous êtes-vous souvenue que souvent le Seigneur se plaît à accorder la sagesse aux petits et qu’un jour, transporté de joie, Il a béni son Père d’avoir caché ses secrets aux prudents et de les avoir révélés aux plus petits (Lc 10,21).

Ma Mère, vous le savez, elles sont bien rares les âmes qui ne mesurent pas la puissance divine à leurs courtes pensées, on veut bien que partout sur la terre il y ait des exceptions, seul le Bon Dieu n’a pas le droit d’en faire ! Depuis bien longtemps, je le sais, cette manière de mesurer l’expérience aux années se pratique parmi les humains, car, en son adolescence, le saint roi David chantait au Seigneur : « Je suis jeune et méprisé ». Dans le même psaume 118 (auj. Ps 119,40), il ne craint pas de dire cependant : « Je suis devenu plus prudent que les vieillards : parce que j’ai recherché votre volonté… Votre parole est la lampe qui éclaire mes pas… Je suis prêt à accomplir vos ordonnances et je ne suis troublé de rien… » (Ps 119,100-105).

Mère bien-aimée, vous n’avez pas craint de me dire un jour que le Bon Dieu illuminait mon âme, qu’Il me donnait même l’expérience des années… ma Mère ! je suis trop petite pour avoir de la vanité maintenant, je suis trop petite encore pour tourner de belles phrases afin de vous faire croire que j’ai beaucoup d’humilité, j’aime mieux convenir tout simplement que le Tout-Puissant a fait de grandes choses en l’âme de l’enfant de sa divine Mère (Lc 1,49) et la plus grande c’est de lui avoir montré sa petitesse, son impuissance.

Mère chérie, vous le savez bien, le Bon Dieu a daigné faire passer mon âme par bien des genres d’épreuves, j’ai beaucoup souffert depuis que je suis sur la terre, mais si dans mon enfance j’ai souffert avec tristesse, ce n’est plus ainsi que je souffre maintenant, c’est dans la joie et dans la paix, je suis vraiment heureuse de souffrir » (Manuscrits autobiographiques, Manuscrit C, 3 r° à 4 v°).