Ce terme Messie vient de l’araméen « Meshiha’ », dérivé du verbe « mâshah » qui signifie oindre. Il a donné en hébreu « Mashiah », en grec « o Christos » et en latin « Unctus » ou « Christus ». Il signifie : celui qui a reçu l’onction d’huile, symbole d’une élection divine particulière.
Le chrétien qui n’aurait pas vraiment pris la peine de se plonger dans l’AT pour se frotter aux prophéties messianiques sombre parfois dans une grossière erreur : il lui semble que tout y annonce sans ambiguïté la personne de Jésus-Christ. Or, quiconque tente un inventaire de ces prophéties doit se rendre à l’évidence : les choses ne vont pas de soi. Les traits du Messie sont couchés sur le papier à la façon impressionniste, par fines et multiples touches successives. En outre, les prophéties laissent une sensation de clair-obscur assez inconfortable.
A qui s’impatienterait, reprochant à Dieu de ne pas avoir donné de but en blanc un portrait du Messie, nous pourrions citer Pascal (il s’exprime à propos de l’obscurité partielle de Dieu, mais le même raisonnement s’applique à l’obscurité partielle des prophéties) :
« S’il n’y avait point d’obscurité, l’homme ne sentirait point sa corruption ; s’il n’y avait point de lumière, l’homme n’espérerait point de remède. Ainsi, il est non seulement juste, mais utile pour tous, que Dieu soit caché en partie, et découvert en partie, puisqu’il est également dangereux pour l’homme de connaître Dieu sans connaître sa misère, et de connaître sa misère sans connaître Dieu » (Pensée 599)
Il a fallu du temps pour qu’un concept un peu précis de Messie se mette en place. Pour résumer grossièrement, on peut distinguer 3 types de prophéties y faisant référence, au gré des 3 grands ensembles de livres identifiés par la Tradition juive :
Prophéties messianiques contenues dans le Pentateuque : d’un être collectif à un être individuel
Dans cette première catégorie de prophéties, il n’est pas encore question de « Messie » en tant que tel, mais la réalité recouverte par ce terme y est d’ores et déjà présente : l’élection divine à l’égard d’un être.
En un premier temps, au livre de la Genèse, il faut relever les promesses faites par Dieu aux patriarches (ex : promesse à Abraham : Gn 22,18 ; à Isaac : Gn 26,4 ; à Jacob : Gn 28,14). Les promesses portent alors sur toute la descendance des patriarches (race, nation, peuple, semence), appelée à réaliser les projets divins moyennant l’obéissance à ses préceptes.
Ensuite viennent des prophéties qui peuvent laisser deviner qu’un individu particulier se détachera des autres pour accomplir le plan divin. Il s’agira d’un chef (« un astre issu de Jacob devient chef, un sceptre se lève, issu d’Israël » Nb 24,17), d’un prophète semblable à Moïse, à qui celui-ci remet ses propres pouvoirs (« Le Seigneur ton Dieu te suscitera du milieu de toi, d’entre tes frères, un prophète tel que moi : vous l’écouterez » Dt 18,15).
Prophéties messianiques contenues dans les livres davidiques
Une ambivalence apparaît ici, semblable à celle des promesses du Pentateuque : le Messie (cette fois, le terme apparaît explicitement) semble pouvoir désigner soit un être collectif (tous ceux qui recevront l’onction sacrée –rois, prêtres, prophètes), soit un être singulier.
Cette double lecture est par exemple possible pour l’oracle de Nathan au roi David : « Quand tes jours seront accomplis et que tu seras couché avec tes pères, je maintiendrai après toi le lignage issu de tes entrailles et j’affermirai sa royauté (…) Je serai pour lui un père et il sera pour moi un fils » (2 S 12,14-16).
Quoi qu’il en soit, le Messie revêt ici des caractéristiques nouvelles :
Question : les versets du psaume 110 (109) attribuent-il au Messie un rang réellement divin, eu égard à la mystérieuse exhortation « siège à ma droite » et aux fonctions de juge universel impliquées par les versets suivants ?
Réponse : Il semble à certains que ce soit aller un peu vite en besogne, puisqu’on voit mal comment l’élévation au rang divin du Messie pourrait s’accommoder du strict monothéisme de l’AT.
Prophéties messianiques contenues dans les livres prophétiques
Les plus fameux des oracles prophétiques messianiques de cette troisième catégorie de livres sont sans conteste ceux du livre d’Isaïe.
Même si Isaïe n’emploie pas le mot « Messie », il est le premier à donner un caractère nettement individuel à l’attente messianique, notamment dans un passage fameux entre tous :
« C’est donc le Seigneur lui-même qui vous donnera un signe (que le Messie est advenu, choisi pour accomplir les promesses divines) : la jeune fille est enceinte et va enfanter un fils qu’elle appellera Emmanuel » (Is 7,14).
Isaïe énonce les pouvoirs exorbitants dont cet enfant sera revêtu, prérogatives habituellement attribuées à Dieu seul :
« Un enfant nous est né, un fils nous a été donné. Il a reçu le pouvoir sur ses épaules et on lui a donné ce nom : Conseiller merveilleux, Dieu fort, Père éternel, Prince de la Paix » (Is 9,5-6).
Isaïe confirme les oracles antérieurs, en affirmant qu’il s’agira d’un descendant de David :
« pour que s’étende le pouvoir dans une paix sans fin sur le trône de David » (Is 9,6).
Le prophète Michée précise le lieu de naissance du Messie :
« Et toi Bethléem, terre de Juda, tu n’es certes pas le moindre des cités de Juda, car c’est de toi que me naîtra le chef qui fera paître mon peuple, Israël » (Mi. 5,1).
Les prophètes Jérémie et Ezéchiel annoncent un nouvel aspect de la figure messianique : une Alliance nouvelle que Dieu conclura avec lui :
« Voici venir des jours, oracle de Yahvé, où je conclurai avec la maison d’Israël et la maison de Juda une alliance nouvelle. Non pas comme l’alliance que j’ai conclue avec leurs pères, le jour où je les pris par la main pour les faire sortir du pays d’Egypte, mon alliance qu’eux-mêmes ont rompue bien que je fusse leur Maître, oracle de Yahvé ! Mais voici l’alliance que je conclurai avec la maison d’Israël après ces jours-là, oracle de Yahvé. Je mettrai la Loi au fond de leur être et je l’inscrirai dans leur cœur. Alors je serai leur Dieu et eux seront mon peuple. Ils n’auront plus à instruire chacun son prochain, chacun son frère, en disant : ‘Ayez la connaissance de Yahvé !’. Car tous me connaîtront, des plus petits jusqu’aux plus grands, oracle de Yahvé, parce que je vais pardonner leur crime et ne plus me souvenir de leur péché » (Jr. 31,31-35 ; cf. Ez 16,53-56)
Cette Alliance nouvelle devra comporter l’offrande d’un sacrifice (p. ex : Jr 33,14-22).
Ces deux prophètes donnent de la venue du Messie une perspective nouvelle : elle permettra l’instauration du règne de Dieu. C’est ce que souligne C. Larcher (L’actualité chrétienne de l’AT, p.74) :
« Les promesses de Dieu continuent de s’expliciter sur d’autres points : en particulier, l’attente se fixe délibérément sur Dieu lui-même, sur l’œuvre nouvelle qu’il accomplira un jour, non seulement sur le plan de l’histoire, mais à l’intérieur des cœurs (Jr 31,31-34 ; Ez 36,26-27) ».
A côté de ces prophéties typiquement messianiques, on relève chez certains prophètes 2 mystérieuses figures particulières.
a. Le Serviteur souffrant
On trouve chez Isaïe ce qu’on a appelé les « chants du Serviteur » (Is 42-53). Ceux-ci font allusion à un « Serviteur de Yahvé » qui opérera une restauration, non plus conçue comme terrestre et nationale, mais morale, religieuse et universelle.
Ce Serviteur apparaît comme médiateur qui apporte le salut, qu’il acquerra au prix de ses souffrances et de son sang :
« Vraiment, c’était nos maladies qu’il portait, et nos douleurs dont il s’était chargé ; et nous, nous le regardions comme un puni, frappé de Dieu et humilié. Mais lui, il a été transpercé à cause de nos péchés, broyé à cause de nos iniquités. Le châtiment qui nous donne la paix a été sur lui, et c’est par ses meurtrissures que nous sommes guéris (…) Yahvé a fait retomber sur lui l’iniquité de nous tous. On le maltraite, et lui se soumet et n’ouvre pas la bouche, semblable à l’agneau qu’on mène à l’abattoir, à la brebis muette devant ceux qui la tondent (…) On lui a donné son sépulcre avec les méchants, et dans sa mort il est avec le riche (…) quand son âme aura offert le sacrifice expiatoire, il verra une postérité, il prolongera ses jours, et le dessein de Yahvé prospèrera dans ses mains (…) Par sa connaissance, le juste, mon Serviteur, justifiera beaucoup d’hommes (…) C’est pourquoi je lui donnerai sa part parmi les grands ; il partagera le butin avec les forts (…) et il intercèdera pour les pécheurs » (Is 53,4-12)
Cette figure contraste tellement avec celle, habituellement glorieuse du Messie-roi, qu’elle ne semble pas pouvoir désigner le même homme.
b. Le Fils de l’homme
C’est chez le prophète Daniel qu’on trouve relatée une vision qu’il eut naguère : celle d’un Fils d’homme :
« Je contemplais dans les visions de la nuit. Voici, venant sur les nuées du ciel, comme un Fils d’homme. Il s’avança jusqu’à l’Ancien et fut conduit en sa présence. A lui fut conféré l’empire, l’honneur et le royaume, et tous les peuples, nations et langues le servirent. Son empire est empire à jamais, qui ne passera pas, et son royaume ne sera pas détruit » (Dn 7,13-14)
Quelques remarques sont intéressantes à noter au sujet de ce Fils de l’homme (C. Larcher, op. cit., p. 177) :
Ce Fils de l’homme désigne-t-il le Messie annoncé dans les prophéties que nous avons évoquées plus haut ? Nous passons sur les commentaires innombrables et divergents que ce passage a suscités, pour ne retenir que la conclusion du P. Larcher : « On ne peut assurer que le Fils de l’homme de Daniel rejoint le Messie davidique. Il s’agit plutôt de deux courants, de deux lignes parallèles » (op. cit., p. 183).
« Si nous examinons le contenu, les formes de l’attente messianique au temps du Christ, c’est la confusion qui règne. Si les promesses de Dieu ont semé dans le cœur du peuple juif un germe d’espérance indéfectible, cette espérance tâtonne et cherche des points d’appui contradictoires » (C. Larcher, op. cit, p.74).
Les avis divergent entre les divers groupes constitutifs du peuple juif de l’époque de Jésus. Voici les principaux.
a. Ceux qui n’attendent pas grand-chose Dieu (se sont lassé d’attendre la réalisation des prophéties messianiques)
« Dans les conditions de la Palestine d’alors, on ne voit pas comment un messianisme politique n’aurait pas été, en même temps, un messianisme guerrier. On attend donc un Messie-Roi conquérant, qui chassera de la Terre sainte les païens, redonnera au pays l’indépendance nationale et châtiera d’une façon exemplaire les ennemis d’Israël. On vit encore des souvenirs de l’insurrection maccabéenne contre le joug séleucide. (…) Sans doute, cette révolte nationale n’avait pas donné les résultats escomptés : la dynastie hasmonéenne avait déçu (…) Mais certains milieux pensaient qu’il fallait recommencer, non plus cette fois avec les descendants de Lévi, mais avec un descendant de Juda, fils de David. (…) Il aurait suffi de quelques signes accréditant un libérateur national pour que la Palestine prît feu de nouveau » (Larcher, op. cit., pp. 74-75).
Echaudés eux aussi par les échecs de la dynastie hasmonéenne, à laquelle ils reprochent ses compromis politiques et sa trop grande perméabilité à l’hellénisme, ainsi que le fait de ne pas descendre de David, les Pharisiens ne sont pas mécontents de voir tomber cette dynastie sous le coup de l’Empire romain. Devenu le parti prépondérant du Sanhédrin dès avant cette chute, ils ont pour idéal la renaissance d’une communauté sainte, sorte de théocratie groupée autour du Temple, ainsi que l’instauration du règne de Dieu par une observance de plus en plus rigoureuse de la Loi.
En un mot, ils sont devenus comme indifférents au puissant souffle des prophéties pour ne plus se focaliser que sur la Loi.
Grands rivaux des Pharisiens, les Sadducéens se montraient très perméables aux influences mondaines, aux calculs politiques et opportunistes. Ils attendaient encore moins d’une intervention décisive de Dieu, d’autant qu’ils ne croyaient ni en la perspective de la résurrection, ni à l’existence des anges et donc à leur rôle possible.
b.Ceux qui attendent l’accomplissement des prophéties messianiques
« En réaction contre le caractère déroutant des évènements, d’autres se réfugiaient dans le rêve. Ce sont des intellectuels, des spéculatifs, non des casuistes comme les Pharisiens et les docteurs de la Loi. Pour eux, le monde présent est mauvais, l’histoire humaine, avec sa succession de royautés et d’empires, n’est qu’un grand guignol, où les acteurs s’agitent au service du Mal, puis reçoivent le juste châtiment de leur impiété. Il n’y a rien à attendre d’un monde mauvais. Mais Dieu reste le Maître souverain ; et c’est sur lui seul qu’on fixe les yeux. On attend de sa part une intervention soudaine, décisive, qui mettra fin au cours normal de l’histoire humaine, bousculera radicalement toutes les valeurs. Ce sera un monde nouveau, transformé, où il n’y aura plus que des justes, des saints. Et l’on essaye de préciser avec des dates, des symboles, des révélations scellées qu’on attribue à des personnages d’un très lointain passé, ce que sera cette intervention finale de Dieu et les conditions du monde futur » (Larcher, op. cit., p. 78).
Sur les bords de la Mer Morte, à Qumran, une communauté, qui a elle aussi puisé dans les écrits apocalyptiques, ne sombre pas dans le même attentisme que le courant apocalyptique : ils veulent préparer la venue du Messie.
Ayant fui au désert, pour y vivre une existence de prière et d’ascèse. Edifiante par certains côtés, cette communauté est aussi très orgueilleuse : elle prétend détenir la clé de la vérité sur les Ecritures, grâce à une révélation que son fondateur, le « Maître de justice », aurait recueilli. Les dérives sectaires de ces autoproclamés « Fils de Lumière » achèvent de rendre assez épouvantable cette mouvance finalement infidèle aux prophéties messianiques.
On désigne par là un ensemble assez hétérogène de juifs souvent dépourvus de biens ou de la sagesse intellectuelle des docteurs. Se sachant de simples créatures pécheresses, ils attendent tout de la bonté de Dieu, en qui ils se fient totalement avec une authentique humilité.
Ces pauvres de cœur attendent la « consolation d’Israël » annoncée par Isaïe : « ‘Consolez mon peuple’, dit votre Dieu. ‘Parlez au cœur de Jérusalem et criez-lui que son service est fini, que son péché est expié’ » (Is 40,1-2). Ils vivent d’une espérance profondément surnaturelle que leur donnent ces paroles du même prophète : « Car Yahvé console son peuple et de ses pauvres il a pitié » (Is 49,13).
St Jean-Baptiste, la Vierge Marie et son époux, mais aussi les vieillards des Evangiles de l’Enfance, les apôtres et les disciples, sont les figures emblématiques de ce petit reste d’Israël vraiment fidèle aux prophéties lorsque Jésus advient.
« La plus grande des preuves de Jésus-Christ sont les prophéties. C’est aussi ce à quoi Dieu a le plus pourvu » (Pascal, Pensée 526).
Il est assez frappant de constater que les prophètes s’étaient tus depuis environ 400 ans lorsque Jésus vint au monde (le dernier des prophètes reconnus par les juifs, Malachie, a vécu au V°s av. JC). Comme si Dieu avait voulu faire suffisamment méditer ses oracles à son peuple avant qu’ils ne s’accomplissent…
Quelques objections ont été émises, remettant en cause le fait que Jésus était bien le Messie.
Voici les principaux éléments de réponse.
a. Jésus affirme que l’Ecriture ancienne parle de lui et l’annonce
Contentons-nous de citer quelques passages de l’Evangile :
b. Jésus s’attribue à lui-même les titres messianiques prophétiques, ou au moins accepte qu’on les lui donne « Messie »
C’est le seul nom qu’il ait employé explicitement pour se désigner.
Les Pères de l’Eglise ne voyaient dans cette expression que Jésus s’appliquait à lui-même que l’affirmation de la réalité de sa nature humaine (contre ceux qui penseraient qu’il avait seulement fait semblant d’épouser cette nature).
Les théologiens du Moyen-Age, quant à eux, y décelèrent la marque d’une profonde humilité de la part de celui qui était le Fils de Dieu.
Cependant, comme nous l’avons vu plus haut, cette expression semble bien plutôt être une reprise par Jésus de la prophétie de Daniel (7,13-14). Jésus évoque par là son origine insaisissable et sa nature plus qu’humaine.
NB : Bien qu’il assume tous les titres messianiques, Jésus en corrige cependant l’acception : il fait comprendre à ses contemporains la nature authentique de sa messianité, comme l’explique le CEC (nn° 439-440) :
« Jésus a accepté le titre de Messie auquel il avait droit, mais non sans réserve parce que celui-ci était compris par une partie de ses contemporains selon une conception trop humaine, essentiellement politique. (…) Il a dévoilé le contenu authentique de sa royauté messianique à la fois dans l’identité transcendante du Fils de l’homme ‘qui est descendu du ciel’ (Jn 3,13) et dans sa mission rédemptrice comme Serviteur souffrant : ‘le Fils de l’homme n’est pas venu pour être servi mais pour servir et donner sa vie en rançon pour la multitude’ (Mt 20,28). C’est pourquoi le vrai sens de sa royauté n’est manifesté que du haut de la Croix ».
Une telle accusation n’est pas solide !
Si les évangélistes avaient eu l’outrecuidance de mettre sur la bouche de Jésus de telles paroles alors qu’il ne les aurait en fait jamais prononcées, étant donné l’époque ancienne de rédaction des Evangiles (surtout les Synoptiques), les témoins de la vie de Jésus, encore nombreux à vivre à l’époque, les auraient dénoncés immédiatement pour faux !
Un détail étaye la bonne foi des évangélistes, montrant qu’ils ont bien reproduit fidèlement les dires de Jésus, et non inventé ses prétentions messianiques : le fait que Jésus se présente comme un Messie différent de ce que l’imagerie juive attendait. Sans cesse, Jésus amende la conception trop temporelle qu’on se faisait du Messie dans la Tradition juive. Cette présentation de la messianité est à rebours de ce que les apôtres eux-mêmes attendaient (ex : St Jean qui veut faire descendre le feu du Ciel ; St Pierre refuse l’annonce de la Passion et tire le glaive à Gethsémani ; la question des apôtres le jour de l’Ascension : « est-ce maintenant que tu vas restaurer la royauté en Israël ? »).
En un mot, si les évangélistes avaient suivi leur seule imagination, ou s’ils avaient voulu complaire aux juifs ou aux païens, ils n’auraient certainement pas reproduit certaines paroles de Jésus se présentant comme un Messie seulement spirituel, apparemment mis en échec par les autorités juives et romaines !
**Exemple d’arrangements dont on les accuse **
Ils auraient menti sur le lieu de sa naissance, sur ses ascendants davidiques par St Joseph.
Ils auraient forcé la réalité, de sorte que Jésus semble incarner toutes les figures messianiques de l’AT.
Pour décrire sa passion et sa mort, ils auraient ignoré les faits réels en plaquant les détails très concrets des prophéties (ex : Ps 22 (21)).
Réponse : Une telle falsification est très peu probable, pour plusieurs motifs
« Tous les traits de Jésus sont bien présents dans l’AT, mais ils forment une série de lignes discontinues, brisées, que ne relie pas encore un tracé unique et englobant. La Bible juive connaît la figure du Messie triomphant associée à l’image royale du Fils de David. Elle cultive l’attente d’un nouveau Prophète comparable à Moïse et à Elie. Elle peut connaître le sacerdoce des fils de Lévi. Dans les visions de Daniel, elle entrevoit la dignité transcendante du Fils de l’homme venant sur les nuées du ciel. Et dans les chants du Serviteur de Yahvé, au livre d’Isaïe, elle brosse le tableau énigmatique d’un juste écrasé par la souffrance et justifiant la multitude après avoir porté le péché des coupables.
Mais tous ces traits, que Jésus va réunir en son unique personne par une synthèse imprévisible, demeurent disparates et même disjoints pour l’AT » (A Léonard, Les raisons de croire, p.106).
La messianité de Jésus est un article de la foi catholique. Ceci implique qu’il faille la foi pour reconnaître, avec toutes ses implications cette vérité.
Cependant, nous venons de voir que l’on peut étayer cette prétention à l’aide d’arguments rationnels. C’est bien pourquoi un certain nombre de non-chrétiens sont parvenus à cette conclusion que Jésus est bien le Messie ; ainsi, par exemple, du courant des « Juifs messianiques », né dans les années 1960, qui revendique environ 500 000 membres.
Les juifs orthodoxes s’y refusent quant à eux. Ce dont s’étonnait déjà Pascal en ces termes : « Ceci est admirable, d’avoir rendu les juifs grands amateurs des choses prédites, et grands ennemis de leur accomplissement » (Pensée 515).
Peut-être doit-on voir dans le fait qu’ils aient refusé de reconnaître comme authentiquement révélées certaines prophéties d’avant le Christ, très explicites, à compter du Ier s. de notre ère (donc après la vie terrestre de Jésus) manifeste-t-il une certaine mauvaise foi qui refuse de ses rendre à l’évidence… St Justin (+ vers 165) leur reprochait déjà, dans son Dialogue avec Tryphon, d’avoir abandonné le culte des prophéties, alors qu’ils y tenaient tant naguère, pour ne plus se focaliser que sur l’observance de la Loi.